Décembre 2010, deux jeunes lorrains souhaitent mettre en avant la culture et l’art de leur région. Ils se mettent alors en tête de
Après plus de six années passées à mettre en avant l'actualité culturelle et artistique de notre région, c'est avec une grande émotion que nous vous annonçons la fin de nos activités. Le site restera cependant actif pour vous permettre de (re)lire les nombreuses rencontres avec les artistes régionaux.
Accueil > Actualités > Théâtre et scène > Review : « Contrôle » ou le besoin de reprendre corps et âme
Dans le cadre de la Biennale de Danse Exp.Édition, initiée par les trois scènes nationales du Ballet de Lorraine et de l’Arsenal avec le soutien d’Arteca, le CCAM de Vandœuvre-lès-Nancy accueillait « Contrôle » de la compagnie Les Patries Imaginaires, les 9 et 10 octobre derniers.
Le spectacle porté sur scène par un trio d’hommes mêle avec fluidité et cohésion danse contemporaine, théâtre, vidéo et concert rock.
Sur scène, un homme (le danseur Vidal Bini) avance et s’assoit sur une chaise placée devant des paravents, le dos contre le dossier, les mollets contre les pattes, les mains sur ses genoux, le regard fixe devant lui. Il esquisse un mouvement, « non » retentit d’un personnage assis dans le noir parmi le public ; l’homme reprend sa position initiale. Il engage un autre mouvement, « non » répète la voix ; l’homme revient à sa position. Il se lève, « non » insiste la voix ; l’homme se rassoit. Chaque changement de position du corps est refusé par une entité invisible à qui l’homme obéit toujours. L’interprète présent dans le public (le comédien Gurshad Shaheman) rejoint l’homme sur scène, et monologue sur ce corps contrôlé, réprimé, puni.
Contrôlé par les caméras de surveillance aussi, elles qui scrutent les gestes de l’homme de la rue, à la recherche d’une attitude forcément suspecte. Une voix off, sous forme de témoignage documentaire, nous explique que tout est fait pour garantir la sécurité de tous. Être épié, contrôlé, pour être en sécurité…
Puis monte une musique derrière les paravents qui s’ouvrent sur un musicien jouant de la batterie (Anthony Laguerre, connu pour Filiamotsa). Les basses font vibrer l’air, les gradins, les sièges. Les percussions font vibrer le corps tout entier du spectateur, ce corps qui redevient une réalité sensible. On se surprend à ressentir son corps, comme on peut se surprendre à respirer l’odeur de sa peau à la lecture du « Parfum » de Patrick Süskind (autre expérience à tenter si tu ne l’as pas déjà faite, ami lecteur).
Défile sur l’écran au fond de la scène les images des entrepôts géants de l’entreprise Amazon. Le corps, dans la société, est contraint aussi. Instrument d’une performance au service d’un productivisme toujours plus exigeant et accru.
L’environnement du travail qui contraint, les outils de communication qu’on achète et avec lesquels on fait « corps ». Le comédien nous raconte des anecdotes fort cocasses sur ses téléphones portables. On rit avec lui. Puis il nous présente son dernier smartphone, merveilleux objet dont les applications, qui scannent toutes ses informations, lui permettent de gérer sa vie professionnelle, sa vie personnelle, son stress, son corps et son âme grâce à la non moins merveilleuse application « GPS for the soul » (cette application existe vraiment !).
Le corps devient un outil qu’on adapte, qu’on modifie grâce à la technologie. Bientôt on lui implantera des puces pour qu’il soit plus performant. Le spectateur sourit mais il prend conscience que cette réalité qui est la sienne est finalement effrayante.
La musique reprend encore le dessus, enfle. Le comédien scande. Puis le danseur danse avec force ; et la lumière stroboscopique nous offre des images de ce corps presque douloureux.
Un pas de deux entre le danseur et le comédien poursuit la tension allant crescendo, tantôt sensuel, tantôt énergique, presque violent.
À ce stade du spectacle, réflexif et tendu, le spectateur a franchement envie de reprendre le pouvoir sur son corps et son esprit, lui aussi. Comme une envie de s’extraire d’une chrysalide transparente qui a été modelée autour de lui par d’autres mains que les siennes.
Ça tombe bien, la dernière partie du spectacle ouvre sur une perspective encourageante : la désobéissance civile commence là où l’esprit reprend possession du corps, dans la manifestation.
PAUSE.
Lecteur, comment es-tu parvenu jusqu’à cette page ? Via Google, via Facebook, via Twitter ? Via un réseau social à qui tu as donné ton nom, ton prénom, ta date de naissance, ta ville de résidence, ton numéro de téléphone ?
Lecteur, comment lis-tu cette page ? Via ton smartphone ? Via ton ordinateur ?
Lecteur, que font tes mains ? Quelle position ont tes jambes ? Ton dos ? Ton visage ?
Qu’a fait ton corps aujourd’hui ? A-t-il été l’instrument de ton travail ? A-t-il été pressé contre d’autres corps dans les transports en commun ? A-t-il été bousculé ?
À quoi as-tu pensé aujourd’hui ?
Es-tu « le peuple qui s’excuse » ?
Le corps est dans les mots, le corps est dans le son, le corps est dans le mouvement, le corps est dans l’image. Le corps est dans l’action.
« Contrôle » est un spectacle engagé, clair dans son propos. Mais il n’est pas démonstratif pour autant. Il est dense, fragmenté en plusieurs arguments, riche de références et de réflexions. Il est nécessaire à notre époque car il réveille le spectateur, lui faisant reprendre conscience de lui-même, de son corps, de son esprit, de son libre-arbitre, de ses actes, de sa responsabilité vis-à-vis de lui-même, du monde dans lequel il vit et de celui qu’il veut construire.
Pour avoir une petite idée du spectacle :
Les Patries Imaginaires
Les Patries Imaginaires est une compagnie transdisciplinaire fondée en 2003 par Perrine Maurin (comédienne et metteur-en-scène) et Lino Tonelotto (scénographe, vidéaste et concepteur d’installations d’art contemporain).
Depuis 2013 la compagnie est en résidence pour trois ans au Centre Culturel André Malraux de Vandœuvre-lès-Nancy.
Pour plus d’informations : www.patriesimaginaires.net
Décembre 2010, deux jeunes lorrains souhaitent mettre en avant la culture et l’art de leur région. Ils se mettent alors en tête de
Au Musée de l’image, la salle « Aventure » présente désormais des expositions-créations, des confrontations, des regards, et toujours en lien avec le
Commentaires